Chaque texte de cet abécédaire semble donner corps et âme à ces signes familiers.
Bernard Friot réussit le pari d'éviter toute lassitude. C'est qu'il joue tour à tour sur de multiples aspects : forme de la lettre, sonorité, place dans l'alphabet. Les textes proposés s'amusent avec tous les registres (comique, tragique, absurde...) et tous les genres : certains sont des poèmes en prose, d'autres de petits drames ou des dialogues théâtraux.
Chaque lettre s'affirme comme un personnage à part entière :
Ainsi, le A joue de son statut de premier pour se prendre pour le chef :
"Au commencement il est là, le A.
Aussitôt il prend le commandement :
"Au pas, au pas, camarade, au pas !"
Ah non, ça ne va pas, mon gars !
Tu n'es que le premier venu
une lettre comme les autres
un petit soldat de l'alphabet.
Tu n'es pas général, ni même lieutenant,
alors, mon petit a, rentre dans le rang !
Allez, allez, rompez !"
Et le P en impose :
"On dirait une pancarte, un poteau, un panneau, planté là, en plein champ. Pour dire quoi ? Pour dire : "Pas touche ! N'approchez pas, passez votre chemin, petits galopins, sinon gare à vos popotins !"
Non mais, pour qui il se prend, ce pantin prétentieux ? [...]"